Passer six jours dans le parc du Mont-Tremblant avec une cohorte d’une cinquantaine d’étudiants du programme Science, Lettres et Arts et une dizaine de profs et d’accompagnateurs, quand on est une prof de théâtre plus ou moins rompue aux us et coutumes du camping, c’est s’engager sur un sentier qui mène à des territoires inconnus.

La première journée, et toutes celles qui précèdent, on s’inquiète un peu. De tout et de rien : de l’état de notre matériel de théâtre s’il faut qu’il pleuve au moment de notre cours, de l’état des lieux qu’on n’a pas constaté de visu, de notre propre état et de ce dont on aura l’air, parce qu’on va enseigner pour la première fois en linge mou. Puis le jour de notre cours arrive, le soleil est au rendez-vous, l’ascension de la montagne se fait aisément et dans la bonne humeur, on pique à gauche et l’on découvre notre salle de classe improvisée : un belvédère surplombant un lac entouré de montagnes rougissantes des premières couleurs de l’automne. Sans doute le plus bel amphithéâtre naturel que l’on aurait pu espérer pour nos expérimentations théâtrales.  

Partir en nature avec une poignée de collègues que l’on connaît peu ou pas et qui enseignent tous dans des départements différents, c’est, contre toute attente, le bonheur de faire confiance sans douter.  S’il manque de canots au retour d’un périple et qu’on se retrouve alors seule sur une plage avec l’écho rieur d’une promesse que quelqu’un reviendra bien d’ici une heure, qu’importe! On s’étend sur un tronc d’arbre desséché, on contemple le ciel en savourant le silence, et quand la frêle silhouette d’un pagayeur solitaire s’approchant trouble la ligne de l’horizon, on ne peut que s’émerveiller d’avoir pu profiter d’un aussi beau moment en pleine confiance.

Une semaine en forêt, en montagne, sur les eaux, à être, le jour et la nuit, encore et toujours une prof, mais pas la même qu’à l’habitude. À être celle qui pose des questions inquiètes à travers la porte des toilettes à ceux qui ont de petits ennuis de santé, à être celle qui a le temps d’écouter des récits de vie en longeant les sentiers de randonnée, à être celle qui, enfin, ne sent pas l’obligation de meubler les silences qui s’insèrent au cœur d’une discussion lente au bout d’un quai.   

Partir une semaine en nature avec des étudiants et des collègues, c’est voir à tout moment des facettes insoupçonnées chez ceux à qui l’on enseigne, c’est être le témoin d’innombrables gestes d’entraide et mots d’encouragement, c’est voir avec tellement plus de clarté les citoyens que l’on forme. C’est une dose très concentrée de sentiment de communauté, celui que l’on peut parfois oublier dans le tumulte de la rue Sherbrooke.

They say it takes a village.

Il y en a un beau qui s’est formé l’espace d’une semaine au bout d’une route dans les Laurentides.

Isabelle Payette
Département de lettres

Lien vers l’article sur le sujet, La Presse, 8 octobre 2017: http://plus.lapresse.ca/screens/3a42c6c6-87d5-4fe0-b02c-5bdb1e12f4f5%7C_0.html

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