crédit photo: Benny Jackson www.unsplash.com

L’été dernier, je suis allée faire du camping dans un de nos beaux parcs de la SEPAQ.  Mon séjour-nature n’a toutefois pas été de tout repos. Je me suis retrouvée couchée par terre, à 40°C en pleine nuit (j’exagère à peine), littéralement à côté d’un concertino de ouaouarons (ce que ça génère des décibels ces petites bêtes-là!), à me faire bouffer par des mouches à chevreuil. Me suis-je changé les idées du travail? Certes! Me suis-je reposée? Pas cette nuit-là!

Puis je me suis dit qu’au même moment, il y avait des enfants réfugiés aux frontières américaines – et non migrants, la sémantique prend maintenant toute son importance – qui dormaient par terre, avec une mince couverture d’aluminium (taxée par la suite par le président, ironiquement), sous une lumière crue, allumée 24h/24. Séparés de leur famille, triés par âge et par sexe. Au moment où vous lisez ce billet, certains ont même péri en détention.

Ça remettait les complaintes potentielles à leur place, alors que mes deux enfants dormaient paisiblement, eux, à côté de moi.

Le début de l’été a commencé sur des chapeaux de roues avec cette crise des réfugiés.  Avec chez moi une boulimie Facebook et un fort sentiment d’impuissance. Accompagnés d’un douloureux rappel que ce n’est pas la première crise humanitaire contemporaine que nous traversons. Syrie, Yémen, Ukraine, Arabie Saoudite. Acadiens, Amérindiens; les Canadiens n’ont pas de leçons de morale à donner à la communauté internationale en droits humains, les “ami.e.s” Facebook me l’ont rappelé avec justesse. Sauf que cette crise se passait trop près, en temps réel. L’innommable n’est plus ailleurs, immatériel.

Que peut faire le-la citoyen-ne « ordinaire » devant une telle injustice, au-delà d’un clic pour se donner bonne conscience? Comment démarre-t-on cela, une manif? Un mouvement contestataire?  Comment mobiliser la population? On s’organise comment?

Un appel à Human Rights Watch et Amnistie internationale m’a ramenée au perpétuel constat que je fais ces dernières années :  il faut se mobiliser, et chaque action individuelle, aussi petite soit-elle, contribue au changement collectif. En bout de ligne, tout me ramène aux mouvements collectifs tel le syndicalisme, même cette crise humanitaire.  S’unir, c’est ce qu’on a trouvé au fil du temps pour faire valoir nos droits, tant sociaux que professionnels.

Le 27 juin dernier, la Cour supérieure américaine a jugé que les cotisations syndicales obligatoires violaient la constitution américaine.  Ce jugement ne concerne pas le Canada, mais crée un possible précédent.  Le demandeur à l’origine de cette requête judiciaire invoque le droit individuel de ne pas payer de cotisations, argument que l’on peut entendre à l’occasion plus près de nous.

Ok. Aux ÉU, le taux de syndicalisation est en baisse, et la fougue syndicale n’est pas à son plus fort ici non plus.  Sait-on seulement pourquoi on est syndiqué.e.s? Jusqu’où veut-on le savoir? Quels sont, ou devraient être, nos chevaux de bataille collectifs?  Que doit-on ajuster en 2018 pour que le fait d’être syndiqué ait de la valeur?

Le syndicalisme s’est construit sur deux fronts.  Celui de la défense de conditions de travail justes et équitables, et celui de la défense d’enjeux sociaux plus globaux, tels qu’un contexte éducatif sensé et de qualité – mais aussi d’autres enjeux négligés par certaines centrales syndicales mais toujours discutés à la FNEEQ, comme en témoignent tous les comités satellites encore présents. À nous d’exiger qu’on ne les oublie pas et qu’on puisse avoir une poigne devant les injustices de ce monde.

Tandis que les ouaouarons se fédèrent (et hibernent maintenant), je nous encourage à voir le syndicalisme sous toutes ses facettes, non seulement comme un agent de protection de la convention collective, mais aussi comme un moteur de changement social.  Il n’est pas le seul; les mouvements à caractère environnemental, tels La Planète s’invite au Parlement et Le Pacte, ont rassemblé récemment des milliers de gens inquiets pour l’avenir de notre planète et qui veulent agir concrètement pour que ça change.  Le mouvement syndical québécois doit s’inspirer de tels mouvements et se rappeler constamment cette mission sociale qu’il s’est donnée dès sa fondation, il y a 50 ans.

Nous entamons cette année une nouvelle ronde de négociations en vue du renouvellement de notre convention collective; à travers les priorités qui s’en dégageront, je nous souhaite d’améliorer notre sort individuel certes, mais de le faire dans une perspective solidaire. Travaillons activement à non seulement réduire, mais éradiquer – la sémantique est forte mais n’ayons pas peur de nos ambitions – ce qui érode le réseau collégial et celui de l’éducation dans son ensemble: précarité d’emploi, les inégalités flagrantes dans les conditions salariales et d’emploi entre la formation continue et l’enseignement régulier, le mal financement du réseau qui se décline par un alourdissement de la tâche et une multiplicité de tâches qui ne sont pas reconnues dans le calcul de notre charge de travail. Nous aurons plusieurs occasions d’élaborer notre perspective à ce sujet; je vous encourage à faire partie des débats et à contribuer pour que ça change, pour le mieux.

Et je nous souhaite aussi de ne pas baisser les bras, tant pour nos difficultés personnelles ou professionnelles que pour des défis humains qui semblent, à prime abord, nous dépasser.

Bonne session, et solidarité.

Ann Comtois
VP à l’information et à la mobilisation
SPPCM

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Référence : Blanc, S. « Recul majeur pour les syndicats américains », publié par le Devoir, 28 juin 2018, https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/531205/la-cour-supreme-americaine-rogne-l-influence-des-syndicats-du-secteur-public